mercredi 1 février 2012

Neil Young : « le piratage est la nouvelle radio »

À l'occasion de la conférence D: Dive Into Media, Neil Young a été interviewé par Walt Mossberg et Peter Kafka de AllThingsD. Le chanteur s'est notamment exprimé sur l'avenir de l'industrie musicale et ses rapports avec Internet : « je vois l'Internet comme étant la nouvelle radio […] la radio, c'est fini […] le piratage est la nouvelle radio, c'est comme ça que la musique circule. »

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Young rappelle que la circulation libre de la musique est un élément crucial pour l'industrie — on l'appelle aujourd'hui piratage, elle s'appelait autrefois radio, avec in fine le même objectif : sensibiliser l'auditeur et provoquer l'acte d'achat. Il y a certes des différences majeures, qui expliquent le malaise face au piratage et par synecdoque face à Internet : la diffusion radiophonique est en partie financée par la publicité, une formule dont seule l'offre légale de streaming s'approche ; le piratage est un enregistrement de la musique, alors qu'il fallait il y a quelques années une cassette pour pirater les morceaux diffusés à la radio.

La thèse de Young ne manque pas d'intérêt : en traçant ce parallèle, le chanteur canadien recentre le débat sur la loi de l'offre et de la demande et sur la question de la qualité de la musique. De la même manière que la radio (et la cassette usée à force de lectures et de rembobinages) offre un signal sonore fortement dégradé, la majorité des morceaux disponibles sur les divers canaux de piratages sont encodés en MP3 de qualité plus que passable. Mais alors que le CD offrait une véritable alternative à la fois en matière de qualité et de facilité d'utilisation, l'offre légale dématérialisée n'est aujourd'hui pas suffisamment attractive pour favoriser l'acte d'achat : pourquoi acheter un AAC 256 sur l'iTunes Store en quatre clics si on trouve et récupère un MP3 320 de manière totalement illégale en trois clics ?

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Neil Young pense qu'il y existe un véritable marché pour une offre de qualité, seul terrain sur lequel il faudrait se battre face au piratage — puisqu'on ne pourra pas l'éradiquer, mais mieux, qu'il est partie prenante de l'industrie musicale, il faut lui opposer une alternative, fournir une progression logique vers l'achat (« le CD est mort, mais pas l'album »). Et cette progression logique, c'est celle de la création d'un format retranscrivant plus fidèlement les masters en sortie du studio : du master 192 kHz / 24-bits, le CD est conformé à 44,1 kHz / 16-bits, et les différents formats lossless et lossy dégradent encore un peu plus le son. Young explique ainsi que le fichier MP3 moyen n'inclut plus que 5 % des données originales présentes sur le master. Qobuz, parmi d'autres distributeurs, propose un format Studio Master 192 kHz / 24-bits, mais cette offre reste minoritaire — alors que Neil Young appelle « un homme riche » à la démocratiser.

Cet homme riche aurait pu être Steve Jobs, que le chanteur connaissait : « Steve Jobs était un pionnier de la musique dématérialisée et son héritage est énorme. Mais lorsqu'il rentrait chez lui, il écoutait sa musique sur vinyle. Et vous pouvez penser que s'il avait vécu suffisamment longtemps, il aurait fait ce que j'essaye de faire aujourd'hui. » Selon Young, Apple était en train de travailler sur un magasin de musique de haute qualité, ce que confirment plusieurs bruits de couloir qui ont circulé en 2010 et en 2011. À l'heure actuelle cependant, la firme de Cupertino a appuyé sur le bouton pause de son projet iTunes HQ.

Images Asa Mathat



Cordialement,

Alexandre Szerement

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